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INTRODUCTION

démoralisons notre action récente. Nous prévariquons en arrière. Nous abusons de confiance. »

Une des formes, des manifestations de cet amour de la vérité, de ce respect de la vérité, c’est l’amour et le respect de son métier, de l’ouvrage consciencieux et bien fait. Personne mieux que Péguy ni plus profondément ne le sentit. Il a le dégoût, l’horreur du sabotage et des saboteurs. Il a la passion du labeur soutenu, attentif, appliqué.

« Le génie exige la patience à travailler, docteur, et plus je vais, citoyen, moins je crois à l’efficacité des soudaines illuminations qui ne seraient pas accompagnées ou soutenues par un travail sérieux, moins je crois à l’efficacité des conversions extraordinaires soudaines et merveilleuses ; à l’efficacité des passions soudaines — et plus je crois à l’efficacité du travail modeste, lent, moléculaire, définitif. »

Plus tard un des graves reproches, justifié ou non, que Péguy adressera à la bourgeoisie, c’est d’avoir donné aux ouvriers l’exemple du travail lâché, décousu, saboté.

Cette tendresse grave, émue, que lui inspire le travailleur, le professionnel, qui aime son métier, qui le connaît, qui vit pour lui plus encore que par lui, on la sent vibrer dans la description si colorée, si vivante, si vraie de ce « Triomphe de la République » dont, acteur et spectateur, il suivit le cortège.

Avec quelle complaisance il énumère « les beaux noms de métier des ouvriers » dont les corporations ont promis leur concours. « Comme ces noms de métier sont beaux, comme ils ont un sens, une réalité, une solidité. »

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