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aime à voir par lui-même. Il devait arriver cette semaine.

— Cette semaine ? L’Exposition n’ouvre que le 14 avril.

— Justement. Mon cousin prétend que pour bien voir ces machines-là il faut les voir avant qu’elles aient commencé. Une idée à lui.

— Comment serait-il entré ?

— Il est des accommodements. Quelque camarade en fumisterie lui aurait prêté sa carte d’exposant. Mon cousin comptait venir cette semaine. Il escomptait l’adoucissement habituel de la température en cette saison. Quand la température est plus douce, la fumisterie est moins urgente. Mais l’adoucissement escompté n’est pas venu. Mon cousin nous arrivera dès qu’il pourra quitter pour quelque temps son travail.

— Quel est son caractère ?

— Je ne sais pas si vous lui plairez.

— Je ne sais pas non plus s’il me plaira.

— C’est un grand bon garçon malin. Ancien élève des Frères des Écoles chrétiennes, il a pour les chers Frères un peu de reconnaissance et beaucoup de mauvaises paroles. Il a eu son certificat d’études. Il a beaucoup lu de mauvais romans, de feuilletons, qui n’ont pour ainsi dire pas laissé trace en son imagination. Il a une belle écriture douce qui ne lui ressemble pas. Il calcule parfaitement, et c’est lui qui fait les comptes de son patron. Une bonne instruction primaire. Bon ouvrier, comme ouvrier. Habile de ses mains. Comme il travaille dans une toute petite maison de province — le patron, deux compagnons, un ou deux goujats — il fait un peu de tous les métiers : maçon, carreleur, plâtrier, marbrier, serrurier, tôlier, et non pas seulement pur fumiste. Au-