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j’achèterai un petit Sophocle. La première fois que j’irai à Paris, j’irai en acheter un à la Société nouvelle de librairie et d’édition, 17, rue Cujas.

— Pourquoi là, mon ami ?

— Pour beaucoup de raisons que je vous donnerai plus tard, docteur, mais surtout parce que cette maison est, à ma connaissance, la première et la seule coopérative de production et de consommation qui travaille à l’industrie et au commerce du livre. En attendant que nous ayons le texte original, contentons-nous, docteur, de ce que nous avons : Antigone mise à la scène française par Paul Meurice et Auguste Vacquerie, et nous avons encore la musique de Saint-Saëns, partition chant et piano. Je crains que les vers ne vous paraissent bien mauvais.

— Je m’en contenterai d’autant plus volontiers pour aujourd’hui que cette adaptation assez fidèle nous fut heureusement représentée aux Français. Écoutons ce Créon :

Je sais dans un lieu morne et loin de tout sentier
Un antre souterrain qu’entoure l’épouvante.
J’y vais faire enfermer Antigone vivante…

Mouvement d’effroi du Chœur.

Créon continue :

Par son cher dieu Pluton peut-être obtiendra-t-elle
Que sa prison sans air ne lui soit pas mortelle.
Sinon, elle apprendra qu’ils ne nous servent pas
Les stériles honneurs rendus aux Dieux d’en bas !

Antigone se lamente :

Dans un rocher murée ! oh ! quelle mort cruelle !
La morne Niobé
Périt ainsi soudée à la pierre.