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lade. J’irai jusqu’à dire qu’il est une contrefaçon, une malfaçon de la vie. Sous prétexte que ce qui n’est pas vivant est en général beaucoup moins complexe que ce qui est vivant, nous sommes en général beaucoup trop portés à nous imaginer que la complexité — ou même que la contradiction intérieure — garantit la vie. Non : elle y est nécessaire, au moins à la vie ainsi que nous la connaissons. Mais elle n’y est pas suffisante.

— Remarquez, mon ami, que ces chrétiens à qui vous reprochez d’avoir aimé la maladie et la mort n’aimaient la maladie humaine et la mort, n’aimaient le martyre — souffrance, maladie et mort pour le témoignage — que pour s’introduire à la vie éternelle et ainsi à l’éternelle santé.

— N’ayez pas peur, citoyen : citez le Polyeucte.

— Je le citerai :

Saintes douceurs du Ciel, adorables idées,
Vous remplissez un cœur qui vous peut recevoir.
De vos sacrés attraits les âmes possédées
Ne conçoivent plus rien qui les puisse émouvoir.
Vous promettez beaucoup et donnez davantage,
Vos biens ne sont pas inconstants,
Et l’heureux trépas que j’attends
Ne nous sert que d’un doux passage
Pour nous introduire au partage
Qui nous rend à jamais contents.

— Remarquez, docteur, car il est temps de le dire, que ces chrétiens à qui je reproche d’avoir aimé ou bien reçu la maladie et la mort humaine admettaient aussi, admettaient surtout qu’il y eût une souffrance éternelle, et une maladie éternelle, et une mort éternelle contemporaine, ou, pour parler exactement