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mieux intentionnée, une certaine incertitude, inexactitude et maladresse à la vie. D’ailleurs il ne me serait pas difficile de trouver dans le christianisme un remède à cela. Il est dit qu’il y aura peu d’élus, et si les chrétiens n’étaient pas présomptueux la peur de comparoir les inciterait à reculer au plus loin qu’ils pourraient l’heure de la mort. Mais beaucoup de chrétiens sont présomptueux. D’ailleurs une certaine épouvante, en même temps qu’elle veut échapper à la mort, peut affaiblir le malade jusqu’à le livrer inerte, au lieu qu’une certaine sécurité, en même temps qu’elle désire la mort, peut réconforter le malade et contribuer à son rétablissement. Vous voyez comme tout cela est toujours compliqué. Il y a toujours des croisements et des bifurcations.

— Il y a toujours des croisements et des bifurcations dans nos passions et dans nos sentiments. Mais il me paraît incontestable que le christianisme est en particulier compliqué. Il embrasse tant de contradictions intérieures ou introduites qu’il peut de soi donner réponse à tout. Il embrasse presque tous les excès, et ainsi les excès qui donnent réponse aux excès contraires, et il enveloppe aussi les tempéraments, qui donnent réponse à tous les excès, et il embrassait les excès, qui donnent réponse même à l’excès du tempérament. Il paraît à première vue aussi compliqué, aussi riche que la vie. Et c’est pour cela qu’il paraît souvent se suffire à lui-même. Il ne paraît se suffire à lui-même, citoyen, que par l’insuffisance de son exigence. Beaucoup d’hommes se sont imaginé qu’il était toute une vie. Mais à peine est-il tout un monde. Et il n’est qu’un semblant de la vie, une image grossière, une étrange combinaison d’infini déraisonnable et de vie assez ma-