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sance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire ; et ainsi ils sont très efficacement persuadés. »

Voilà pourquoi votre pauvre dame avait les mêmes sentiments et pour ainsi dire les mêmes pensées que Pascal. Vous voyez que Pascal ne l’ignorait pas.

— Je ne veux pas, docteur, me laisser encore séduire à des comparaisons dont je ferais des assimilations déplacées. Mais je connais à présent beaucoup d’hommes et beaucoup de citoyens : Ceux que nous voyons socialistes sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur, comme les autres en jugent par l’esprit. C’est la solidarité même qui les incline à croire, et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

— Je vous entends honnêtement et sans complaisance aucune et sans accueillir une exagération, mais je ne suis pas étonné, mon ami, que la solidarité vous paraisse avoir pour les socialistes, et en faisant les mutations convenables dans les attributions respectives, la même fonction que Dieu même avait pour les chrétiens. Car leur Dieu n’agissait en eux que par les voies naturelles, que nous nommons les lois naturelles, et par les voies surnaturelles de la grâce, à laquelle répondait la charité. Vous savez quel sens parfaitement efficace Pascal donne à ce mot de charité, que tant de chrétiens ont détourné à des sens vulgaires. Nous aussi, mon ami, rien ne nous empêche de restituer au mot de solidarité,