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» Elle commença par un dégoût étrange qui lui prit deux mois avant sa mort : son médecin lui conseilla de s’abstenir de manger du solide, et de se purger ; pendant qu’il était en cet état, il fit une action de charité bien remarquable. Il avait chez lui un bon homme avec sa femme et tout son ménage, à qui il avait donné une chambre, et à qui il fournissait du bois, tout cela par charité ; car il n’en tirait point d’autre service que de n’être point seul dans sa maison. Ce bon homme avait un fils, qui était tombé malade, en ce temps-là, de la petite vérole ; mon frère, qui avait besoin de mes assistances, eut peur que je n’eusse de l’appréhension d’aller chez lui à cause de mes enfants. Cela l’obligea à penser de se séparer de ce malade, mais comme il craignait qu’il ne fût en danger si on le transportait en cet état hors de sa maison, il aima mieux en sortir lui-même, quoiqu’il fût déjà fort mal, disant : il y a moins de danger pour moi dans ce changement de demeure : c’est pourquoi il faut que ce soit moi qui quitte. Ainsi il sortit de sa maison le 29 juin, pour venir chez nous, — ici M. Havet nous renseigne : Rue Neuve-Saint-Étienne, — rue que nous nommons rue Rollin et rue de Navarre — maison qui porte aujourd’hui le numéro 22. Pascal demeurait hors et près la porte Saint-Michel — et il n’y rentra jamais ; car, trois jours après, il commença d’être attaqué d’une colique très violente qui lui ôtait absolument le sommeil. Mais comme il avait une grande force d’esprit et un grand courage, il endurait ses douleurs avec une patience admirable. Il ne laissait pas de se lever tous les jours et de prendre lui-même ses remèdes, sans vouloir souffrir qu’on lui rendît le moindre service. Les médecins qui le traitaient voyaient que