Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

annoncent et qu’ils fondent. Au courant de ses probabilités, le citoyen Théophraste esquisse une théorie des probabilités qui n’est pas incontestable. Une simple définition de la proportion mathématique, une simple définition ou distinction de la nature et de la morale, distinction considérable au moins, immobiliserait beaucoup de comparaisons dégénérant en assimilations et en identifications. L’impératif catégorique est un peu facilement englobé. En vérité, ce Renan me ferait aimer le pédantisme. Je ne suis pas très partisan des spéculations immenses, des contemplations éternelles. Je n’ai pas le temps. Je travaille par quinzaines. Je m’attache au présent. Il en vaut la peine. Je ne travaillais pas dans la première et dans la deuxième quinzaine de mai 1871. Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ? Je travaille dans les misères du présent. Mais quand on se fonde sur l’immensité des rêves éternels pour démolir ma prochaine socialisation des moyens d’enseignement, je ne puis m’empêcher d’examiner un peu si les rêves sont rêvés selon les lois des rêves humains : car il y a des lois des rêves humains, il y a des frontières des rêves humains. Et si ces rêves ne sont pas humains, si on les nomme surhumains, je les nomme inhumains, et j’en ignore : Je suis homme, et rien de ce qui est inhumain ne m’est concitoyen.

— Et quand on se fonde, citoyen, sur l’immensité des rêves éternels pour me distraire de la considération des mortalités prochaines, je résiste invinciblement. Et quand on se fonde sur l’immensité de l’espérance éternelle pour me consoler de la prochaine épouvante, je refuse. Non pas que l’inquiétude et l’angoisse ne me soit douloureuse, mais mieux vaut encore une inquiétude ou