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posées. L’objection de l’homme au sens droit n’atteint pas ce Théophraste : « Nous ne disons pas que l’absolu de la raison sera atteint par l’humanité ; nous disons qu’il sera atteint par quelque chose d’analogue à l’humanité. Des milliers d’essais se sont déjà produits, des milliers se produiront ; il suffit qu’il y en ait un qui réussisse. Les forces de la Terre, comme vous l’avez très bien dit, sont finies. » Et il recommence. Et encore : « Du reste, peu importe. Il est très possible que la Terre manque à son devoir ou sorte des conditions viables avant de l’avoir rempli, ainsi que cela est déjà arrivé à des milliards de corps célestes ; il suffit qu’un seul de ces corps accomplisse sa destinée. Songeons que l’expérience de l’univers se fait sur l’infini des mondes. »

— Ne poursuivez pas, docteur, vos citations insaisissables. Nous ne pouvons pas critiquer cela ainsi. C’est proprement un charme. Il faudrait le rompre. Il faudrait lire du commencement à la fin, mot par mot, puis phrase à phrase, puis dialogue à dialogue, puis d’ensemble, et à tous les degrés on commenterait et on critiquerait cet admirable texte comme un texte ancien. Au peu que vous m’avez cité, docteur, que de commentaires et que de critiques ! Sous l’apparente humilité de la forme, sous la sérénité imposante et charmeuse des mots, sous la savante impartialité de la proposition, quelle présomptueuse autorité de commandement, quelle usurpation, conduisant à quelles tyrannies ! Nous n’avons jamais eu de plus grand ennemi que ce Théophraste, qui se promenait à Versailles, sinon le Versaillais qui se promena le troisième jour avec eux, Théoctiste, celui qui fait la fondation de Dieu. Les réactionnaires les plus dangereux n’ont jamais prononcé sur