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faire venir les médecins : ils pourraient diagnostiquer les ambitions individuelles aiguës, la boulangite, la parlementarite, la concurrencite, l’autoritarite, l’unitarite, l’électorolâtrie, mieux nommée ainsi : électoroculture ; nous ne voulons pas de cela ; nous réunissons donc dans des congrès les malades, qui sont nombreux, les bien portants, qui sont moins nombreux, et les médecins, qui sont rares. Les malades ont de une à cinq voix, les bien portants de une à cinq voix, les médecins de une à cinq voix. Nous sommes en effet partisans de l’égalité. Puis la majorité décide.

— De quoi décide-t-elle ?

— De tout : du fait et du droit ; de savoir si telle proposition est ou n’est pas dans Jansénius ; et de savoir si cette proposition est ou n’est pas conforme à la justice. Vous n’ignorez pas que la majorité a évidemment raison ; — et ils feront venir tant de cordeliers qu’ils finiront bien par emporter le vote. — Quel homme était-ce, au moins, que ce médecin ?

— Je vous l’avouerai sans détour : c’est un bourgeois. Depuis vingt-sept ans, par toute saison, par les candeurs de l’été, par les candeurs de l’hiver, par les inquiétudes et les incertitudes essoufflées, copieuses du printemps, par les incertitudes automnales, ce bourgeois fait le tour du pays, suivant à peu près l’itinéraire du facteur. Un cocher fidèle, nommé Papillon, conduit sa voiture de campagne. Je crois que c’est un bourgeois. Il prend cinq francs par consultation aux gens qui ont de quoi ou qui sont censés avoir de quoi, deux ou trois francs à ceux qui ont moins, rien à ceux qui n’ont rien, beaucoup aux gens des châteaux. C’est toujours un bourgeois. Quand on a besoin de lui, on prévient quelques voisins ; comme