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Et la natte chinoise et la pipe de jade Et la mort du désir dans l’empire lointain. Mon sang latin se bat avec mon sang arabe.

Toujours rester dans le silence. Tout est vain, Contempler le désert des mouvantes collines Et mépriser le fruit que n’atteint pas la main,

Dans la ville mauresque ou la cité latine, Assis sous les portails ouverts devant le port, Compter au chaud soleil les coups de la marine,

Et fumer lentement en songeant à la mort, Tandis que, déployant ses voiles nostalgiques, Vers Trébizonde ou la Majorque, un trois-mâts sort.


Pourtant j’ai possédé les marchés pacifiques, Razzié le trafic et tué les marchands, Dans les midis cuivrés où dort la rouge Afrique.

J’ai traversé les lourds étés phosphorescents, Je me suis enfoncé dans les Louisianes, Pour ressortir avec les fleuves triomphants.

Sur la piste de sable avec les caravanes, J’ai fait ma tente sous la nuit d’or étoilée, Sur les empires morts et les noires sultanes.

Le soleil m’a bâti des villes de palais, Que j’ai conquis avec les fauves amazones, Et maintenant je suis dans ce petit café.

Le tumulte des mâts et des vergues rayonne Et fait des signes éperdus au ciel de feu, Et je suis comme un roi africain sans couronne.

La nuit me verse un poison doux et merveilleux Comme la lune au creux des voiliers noirs et vides Rêvant des cargaisons et des perroquets bleus

Et des beaux fruits de mer du golfe de Floride.

(Et l’au-delà de Suez. Ed. du Feu.)