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les matinées poétiques

Comme un alcyon au vol épuisé,
Sur les eaux et sur les collines apaisées,
Et votre appel, tandis qu’agonisait le jour,
Se diluer en cadences brisées.

J’ai détourné les yeux de votre bel amour.
Et votre ami est resté sourd
A l’étrange suavité
De votre voix qui s’attendrit pour m’enchanter.
Car j’ai peur, ô mon Dieu, de votre bel amour.
Et je suis l’invité
Qui au repas divin n’osa se présenter.
Pardonnez si mon âme est faible et si j’ai peur
De votre fallacieuse douceur
Et de vos longs appels suaves et trompeurs. —
Car je crains même vos paradis enchantés.


Je sais, cruel et tendre Époux de l’Évangile,
Ce que vous réservez à qui vous donne asile,
Et ce que vous offrez quand vous tendez la main.
Vos dons sont une illusion subtile.
Ce soir, votre démarche est douce et puérile.
Vos cheveux ont l’odeur fragile des jasmins,
Votre parole est une caresse d’avril,
Vos pas ne font qu’effleurer le sol, — et demain
Vous aurez saccagé les roses du jardin
Et tari dans son cadre vert
La fontaine où mon âme se désaltère.
Car vous êtes jaloux et vous ne souffrez pas
Que rien fleurisse sur la terre
Où vous avez, fût-ce en rêve, posé vos pas.
Sinon les roses douloureuses du Calvaire.

Pourtant voici le monde et sa musicale beauté :
Sur la colline et sur notre désir
Le ciel comme un satin voluptueux semble flotter.
Voici des enfants et des femmes au clair sourire,
Voici l’aube et la joie des heures argentées,
Les flûtes du printemps et l’orgueil de l’été.