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Maurice Brillant


Nourrie des plus subtiles essences de l’hellénisme et du mysticisme chrétien, la poésie de Maurice Brillant s’exprime sur le mode de la modernité la plus aiguë. Si son vers libre observe toujours une cadence assez marquée et soutenue par la rime afin de ne pas se dissoudre en prose cahotée, il n’en introduit pas moins dans la technique quelques innovations singulières et peut-être hérétiques. Il suffit d’entendre une seule strophe de l’une quelconque de ses v rapsodies mystiques » ou de ses « suites françaises » pour discerner qu’avant tout il recherche la souplesse et la fluidité. Ennemi décidé de l’éloquence, qui emploie les mots à convaincre alors qu’il n’en veut user que pour charmer, il dédaigne de rivaliser avec les « arts d’imitation », que ce soit la peinture ou la statuaire, et n’accepte de s’apparenter qu’à la musique ou à la danse, — cette musique du silence. Si Maurice Brillant avait paru à Alexandrie, au troisième siècle de notre ère, on l’eût couronné de ces roses qu’il effeuille avec tant de grâce sur le tombeau d’une petite prêtesse d’Ionie.


Psaume

J’ai vu votre amour dans le soir
Se lever sur le coteau bleu,
Caché sous le voile onduleux
D’immatériels encensoirs.
J’ai vu votre amour dans le soir
Illuminer les airs comme un pur ostensoir.
Comme un grand ostensoir dont l’autel s’éblouit,
Comme une fleur de joie au ciel épanouie.
J’ai vu le visage de votre amour,

J’ai entendu, hélas ! et je l’entend toujours,
Votre voix douce battre l’air et se poser,