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Franc-Nohain


Les Fables de Franc-Nohain, publiées cette année, nous ont brusquement révélé que ce qu’on prenait chez lui pour de l’assoupissement n’était que du rêve. Pendant des années, secrètement, il avait perfectionné sa manière, et, dans ces apologues exquis, vous c retrouverez tel qu’il pointait dans ses premiers poèmes, mais mûri, accru, en pleine possession de la maîtrise.

Jamais de grandiloquence, jamais de vains débordements : une poésie qui, dans sa limpidité cristalline, garde le cours ample et mesuré de nos fleuves français. Mais pourquoi plus vous la décrire, quand elle va vous dire elle-même ses charmes ?

Franc-Nohain, d’ailleurs, n’en a-t-it pas tracé, à son insu, le meilleur portrait dans l’étude parfaite qu’il consacrait récemment à La Fontaine ? Pour parler si bien d’un de nos grands poètes, il faut plus que de l’intelligence, il faut, avec lui, des affinités d’esprit, de sensibilité, de tempérament, j’allais écrire : des liens de famille. Et je n’avais pas tort, puisque c’est comme un petit-fils de La Fontaine que vous allez entendre.

(Fragment.)


Les homards

Chez un de ces traiteurs, à Paris, réputés,
 Dont les gourmets de qualité
 Font la cuisine consacrée,
 — Femmes charmantes et parées,
 Célébrités du boulevard,
   Et de l’Art, —
Venait de débarquer tout un lot de homards,
    Par
 Le plus récent train de marée.
De la rive atlantique encor frais émoulus.
Nos jeunes crustacés n’avaient jamais rien vu,
  Tout leur est merveille