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CHARLES LE GOFFIC


Jules Simon disait : « Je ne sors jamais de l’Opéra sans penser que j’aimerais entendre un petit air de biniou. » Plus heureux, les habitués des Samedis auront entendu la douce mélodie bretonne. Romancier, chroniqueur, le sobre et puissant évocateur de Dixmude est avant tout un poète tendre et gracieux. Poète d’un pays qui mieux que tout autre a su garder une âme avec sa rêverie qui flotte sur toutes choses, il célèbre la Bretagne d’autrefois et celle d’aujourd’hui, la Bretagne légendaire et sa forêt de Brocéliande où s’éveillait Viviane, la Bretagne moderne et ses jeunes filles aux yeux limpides que Renan comparait à de claires fontaines. Poète des hivers brumeux, des printemps aux longs crépuscules, des automnes mélancoliques, Charles le Goffic a su dire tout le charme du joli pays aux trois saisons. Mais ce Breton avait des origines italiennes. Il a gardé le goût latin de la clarté. Ses poèmes sont aussi purs de sentiment que de forme. Il est très simple et très savant, et les petits vers courts qu’il affectionne savent éveiller en nous de mystérieuses résonances, Écoutez bien : voici une chanson bretonne.


TRIOLETS A MA MIE

   Douce, plus douce que mias,
   Cist lais, qui est boens et bias,
   Por vos fu fais tes novias.

Tristan.
(Le Lai du chèvrefeuil.)

Puisque je sais que vous m’aimez,
Je n’ai pas besoin d’autre chose.
Mes maux seront bientôt calmés,
Puisque je sais que vous m’aimez
Et que j’aurai les yeux fermés