Page:Payen - Anthologie des matinées poétiques, t. 1, 1923.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle cherche un regard qui devine le sien.
Car elle saura lire au fond de ce silence
Chargé des mêmes mots qui dorment dans ses yeux,
Et confondra sa flamme aux feux mystérieux
Qui sauront pénétrer sa sinistre indolence.
Sans répondre, elle écoute aux aguets, sous son fard,
Les vulgaires don Juan au manège bavard.
Dans les plis fastueux du velours elle ondule ;
Et son soulier lascif, agaçant le désir,
Mêle avec le refus ou l’offre du plaisir
La pourpre de la honte au sourire crédule.
Aux profondes senteurs qui baignent tout son corps.
Elle enivre les sots asservis sans efforts ;
Et de ses noirs cheveux, de sa gorge animée.
De ses jupons parfois savamment découverts,
Sortent les espoirs fous, les mécomptes pervers
De l’alcôve entrevue aussitôt refermée.
Telle, exerçant sa force, au cœur des imprudents
Elle aiguise à ces jeux ses ongles et ses dents.
Mais quand elle verra d’une encoignure sombre
Se prolonger l’éclair de l’ardeur qui lui plaît,
Et, dès le premier choc, tressaillir le reflet
D’une âme tout entière émergeant vers son ombre.
Ses paupières longtemps se lèveront vers lui ;
Et lorsque en l’autre jet l’épouvante aura lui.
Sans rien dire, gardant le secret de sa joie,
Se repaissant déjà de sa férocité,
Souple, la fascinant de sa tranquillité.
Calme, à pas lents, alors elle ira vers sa proie.

LAZARE

À Leconte de Lisle. 

Et Lazare à la voix de Jésus s’éveilla.
Livide, il se dressa d’un bond dans les ténèbres ;
Il sortit, trébuchant dans les liens funèbres.
Puis tout droit devant lui, grave et seul, s’en alla.