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LES MATINÉES POÉTIQUES

Il n’est plus de soupirs dans les grottes moussues
l’eau vive en s’exilant tait sa fuite inconnue ;
il n’est plus de soupirs dans l’extase des feuilles ;
toute la forêt se repose,
toute la forêt se recueille…
Un couchant voilé décompose
l’écharpe des brumes lointaines,
plus de mirage à la fontaine,
une prière souveraine
expire au cœur de chaque rose ;
la nuit entr’ouvre ses abîmes,
se pourrait-il que l’Amour meure ?

Mais impassible sur sa cime
le Solitaire attend son heure.
Et quand la lune monte à la corne du bois
où se taisent toutes les voix,
quand les nids sont pleins de sommeil,
dans le calme qui nous effleure
et glisse plus lourd d’heure en heure
soudain fuse une note pure :
un jet de cristal s’évapore
et retombe en roulis de perles,
la note brève se prolonge
en une ascension plus sûre ;
elle jaillit, elle s’épure
en gouttes d’eau mélodieuse,
elle cascade, elle ruisselle
le long des dômes de verdure
et dans la fraîcheur ténébreuse…

Il n’est aucune réplique
mais leur chute vivante
des rayons de lune s’argentent
des reflets de cette musique…

Il n’est aucune réplique,
mais de sa base jusqu’au faîte
toute la forêt s’illumine
et la solitude est en fête…
Et lui, sur la plus haute branche,