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à lui à faire tout cela, mais il s’était tellement identifié avec son rôle de sœur de charité qu’il croyait devoir personnellement remplir toutes les ordonnances du docteur, et qui plus est il les remplissait.

Je n’eus pas longtemps la jouissance de la société de mon brave ami. À peine étais-je en état de me lever que ma cellule fut fermée à clef — je restai de nouveau seul, comme par le passé. Une fois par jour, à dix heures du matin, le médecin de la prison me visitait. Il était toujours accompagné d’une suite nombreuse. Il me faisait les questions réglementaires, je lui faisais les réponses réglementaires… puis ma porte se refermait et je me retrouvais isolé du monde entier.

La fenêtre de ma cellule d’infirmerie était assez grande et donnait au midi ; je m’y asseyais pendant des heures, me réchauffant aux rayons du soleil qui venaient l’égayer.

Lorsque le staroj était loin, Gratchef s’approchait de ma porte et me racontait à travers les panneaux les nouvelles de la salle commune : on avait amené un tel, élargi tel autre… Celui-là avait fait telle ou telle chose… Il me disait qui avait gagné ou perdu au jeu : on jouait beaucoup aux jeux de hasard dans la salle commune et, de mon temps, les joueurs ne furent surpris qu’une seule fois.

Gratchef m’apportait des cigarettes qu’il me passait tout allumées par le trou de la serrure.

Mes journées se passaient à attendre le docteur, puis Gratchef, puis le dîner. Je m’étais tellement habitué à ce genre de vie que la pensée seule de quitter l’infirmerie me rendait tout triste.