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que maintenant lorsque je m’efforce de me rappeler ses traits — je ne le puis pas. Je me souviens seulement d’une petite tête couverte de cheveux crépus, qui formaient un véritable chignon sur la nuque. La face du directeur était d’un rouge-ponceau et il produisait l’impression d’un homme qui serait constamment en colère. Son uniforme bordé d’astracan au collet pendait disgracieusement sur lui ; il relevait très souvent les épaules en avançant la poitrine comme pour se donner une tournure plus militaire. Le matin il entrait chez moi la casquette sur la tête et les mains dans ses poches. Ses visites se répétaient chaque jour et chaque jour il trouvait de nouveaux sujets de reproches…

Je répondais à ses remontrances par un mutisme imperturbable, m’efforçant par là de lui prouver qu’il n’existait pour ainsi dire pas pour moi. Mais petit à petit ses observations, en commençant par m’agacer, avaient fini par m’exaspérer pour tout de bon. Après le départ du directeur, je me mettais à penser à lui involontairement et longuement. Je n’avais absolument rien à faire : mon voisin ne répondait plus que rarement aux coups que je frappais à son mur. Et même quand il me répondait il le faisait comme à contre-cœur et d’une manière désordonnée.

Un jour je frappai :

— Pourquoi te tais-tu ?

— Malade ! répondit-il ; ce fut tout. Je m’éloignai du mur ; tout à coup j’entendis mon voisin qui frappait vite, vite, un vrai roulement :