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Enfin on me renvoya pour aller — je ne savais pas où — sous l’escorte du même petit soldat endormi, auquel on avait donné quelques ordres à voix basse. Je m’imaginai que cet homme, qui ressemblait beaucoup à un bourreau que j’avais vu, avait reçu la consigne de me tuer. Nous passions par des couloirs tout à fait obscurs, je tâchais de me tenir aussi éloigné de lui que possible ; tout à coup je sentis dans les ténèbres une main froide effleurant ma tête… Je saisis cette main avec force et plein d’une terreur folle je criai d’une voix saccadée : Arrière, bourreau !

La voix faible et chevrotante du petit soldat me répondit doucement :

— Qu’avez-vous, Monsieur ? Que Dieu vous bénisse, je ne veux vous faire aucun mal !

J’eus honte et horreur de moi. Nous montâmes et descendîmes encore pendant longtemps pour nous arrêter enfin à la porte d’une cellule.

— Frilanof ! Recevez le no 17.

— Foin de vous ! Tu attendras ! Je ne peux pas être partout à la fois !

Cette réponse retentit quelque part au loin. Puis j’entendis un pas d’homme approcher avec un cliquetis de clefs.

Ma nouvelle cellule n’était pas plus grande que l’ancienne, seulement elle était meublée encore plus sordidement. Ce qui m’inspira le plus de dégoût fut une couverture crasseuse en drap commun, pareil à celui dont on fait les capotes de soldats ; elle était toute maculée de sang et de crachats.