Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

poings sont crispés, sa bouche aux lèvres retroussées est ouverte… Ah ! qu’il est horrible et dégoûtant ! Dégoûtant ! Tu es en présence d’une tragédie terrible, sauvage, brutale ; d’une tragédie avec du sang, des yeux glauques, des traits défigurés par une souffrance sans nom… et tu ne sais ressentir que du dégoût !…

Ah ! que tu es tombé bas, abominable égoïste, que tu es dégradé !…

Mais est-ce ma faute à moi, si je suis abominable et dégradé ? Qui m’a rendu tel ? Et eux, qui les a faits tels qu’ils sont ? La faute n’en est à personne, à personne… Depuis quand es-tu changé en agneau ? Qui affirmait naguère que la faute en était à tous en général et à chacun en particulier ? Qui érigeait cette idée en théorie ! Hâbleur ! Hypocrite ! Tu penses une chose et tu en dis une autre…

Sacrilège ! Par quoi la loi punit-elle le sacrilège ? Ouf ! Quelle absurdité ! c’est du délire !… Mais je deviens donc fou !

À quoi pensais-je tantôt ? Ah ! oui, à l’expression du visage de l’homme strangulé… Non, j’en avais fini avec cela…

Ah ! J’y suis maintenant : je pensais à sa mère. Quelle expression avait son visage lorsqu’elle apprit que son fils était mort ? Il serait intéressant de savoir si Darwin a jamais eu la chance d’observer une expression aussi sincère que l’a dû être celle-là…