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leur vieux « did »[1] en tête. Un vieillard tout pareil au did est peint sur la pieuse image devant laquelle ma mère me fait agenouiller tous les soirs pour réciter mes prières avant d’aller me coucher. Je le contemple avec respect, ce bon vieux did, je vois les milliers de rides qui sillonnent son front et le tour de ses yeux, je vois son long fouet et les bœufs qui cheminent lentement. Le chariot s’arrête près du perron où je me tiens ; on soulève la bâche, le did aux cheveux blancs monte sur l’essieu et remplit les mesures qu’on lui tend de grains dorés en traçant, à la suite de chacune, des signes mystérieux sur le rebord de la voiture. Un autre paysan emporte les mesures pleines vers le grenier et trace les mêmes signes sur la porte. Mais tout à coup j’entends une dispute : mon père crie, le did aux cheveux blancs crie, tout le monde crie en gesticulant avec colère… En ce moment apparaît mon oncle Ivan, ce bon et brave oncle que j’aimais tant pour son uniforme et ses longues moustaches… Il vocifère lui aussi : « Qu’est-ce à dire ? »

Et tous sont comme pétrifiés, seul le did veut expliquer quelque chose… L’oncle Ivan l’interrompt par un coup terrible au visage ; le did chancelle, mais il est dompté. Alors l’oncle Ivan reprend son élan, et grinçant des dents assène un autre coup au did, qui éperdu, le visage tout en sang, murmure d’une voix défaillante : Faites excuse, pardon, pardon, Votre Honneur !

  1. L’ancien.