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de l’empire Birman, du Pegou, de Siam, de Laos. D’où ces nations ont-elles reçu renseignement bouddhique ; des premiers apôtres de Ceylan ou des disciples du lamaïsme tibétain ? Cette question, M. E. Burnouf la résout en termes précis que nous reproduisons pour faire connaître le procédé qu’il adopte presque toujours en pareil cas. L’alphabet pâli a des rapports marqués avec l’alphabet tibétain ; on en peut déduire cette hypothèse que le lamaïsme et la langue du Tibet sont descendus du Nord par les rivières d’Ava et de Cambodge pour se répandre parmi les populations du littoral. Mais cette écriture pâli, comme le cingalais et le kavi[1], ne sont peut-être que des nuances d’un ancien alphabet apporté à ces peuples avec la religion bouddhique. C’est là une hypothèse appuyée d’un fait ; le fait, c’est que les peuples de la presqu’île au delà du Gange ont adopté les traditions premières et la chronologie de Ceylan. C’est donc de Ceylan aussi que leur est venu l’enseignement bouddhique. En procédant ainsi, en élaguant les conjectures jusqu’à ce qu’il ait trouvé un point solide où fixer sa pensée, M. E. Burnouf permet au lecteur de le suivre dans tous les détails de son travail. Il ne demande point qu’on le croie sur parole. Dans l’essai sur le pali, comme dans le commentaire sur le yaçna, il expose sans détour et surabondamment tous les moyens dont il s’est servi pour arriver à la connaissance de la vérité. La méthode qu’il a suivie a l’inconvénient d’être trop consciencieuse ; le lecteur se demande s’il ne suffisait pas d’arriver au but, de montrer la véritable voie sans lui faire apercevoir les fausses routes dans lesquelles il aurait pu s’égarer ? À cela on peut répondre que les écrits de M. E. Burnouf doivent le plus souvent être considérés comme des leçons écrites.

Nous l’avons dit, M. E. Burnouf ne laissait jamais passer une conjecture, une hypothèse, sans la couler à fond ; comme le mineur péruvien, il discernait d’un coup d’œil si la pierre détachée de la montagne contenait quelques parcelles de métal précieux. Il s’arrêtait invariablement là où cessait la certitude ; mais il ne défendait point au lecteur de se laisser aller aux inductions qu’il pouvait tirer de l’étude de ses ouvrages. Le propre des travaux du genre de ceux auxquels il se livrait n’est-il pas de soulever une foule de questions ? La langue que l’on parlait du temps de Darius dans la Perse est sœur de celle des Védas ; elle est en affinité avec celles du nord de

  1. La langue de Ceylan et l’ancien javanais.