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quelles s’opèrent les changements de lettres. Ainsi pas à pas et patiemment, il fixe à la fois le sens des mots et la grammaire de la langue zend. Cet idiome qui s’est présenté à lui tout d’une pièce en bloc, il le soumet en quelque sorte à une analyse chimique, et le contraint à lui montrer ses éléments à l’état primitif. Puis procédant en sens inverse, il en rassemble les parties éparses et le recompose comme une langue vivante, dont il retrouve et poursuit les affinités dans le sanscrit ancien, dans le sanscrit de tous les âges, dans les langues grecque, latine, germanique, slave et celtique, enfin dans le persan moderne[1]. En même temps il soulève une partie du voile qui recouvre la religion de Zoroastre, et s’attache surtout à éclaircir des points importants de la géographie de la Perse ancienne. Par l’étymologie des noms de lieux, il détermine l’extension et les limites de l’Arie, qui fut la patrie commune des Parsis et des Hindous. En suivant à la piste la langue zend dans les vastes contrées qui furent soumises à la Perse, il en retrouve l’influence chez les tribus nomades qui ont été de tous temps en guerre contre les peuples de la Sogdiane et de la Bactriane. L’étude des noms propres scythes et persans que nous ont conservés les historiens grecs, et qui s’expliquent pour la plupart au moyen des langues zend et sanscrite, rend plus probable encore la communauté d’origine qui lie toutes les populations sorties des plateaux de l’Asie centrale. Ces questions si difficiles, le plus savant d’entre tous les destours guèbres qui chaque soir se rangent sur les remparts de Bombay, pour adresser leurs prières au soleil couchant, serait incapable de les résoudre. Il a fallu pour qu’on les entrevit, pour que la critique européenne entreprit de les éclaircir, le dévouement d’Anquetil-Duperron et le génie divinateur de M. E. Burnouf. Pourquoi le savant professeur n’a-t-il pas complété son œuvre en publiant une grammaire et un dictionnaire de la langue zend ? La preuve qu’il avait complètement réussi dans son travail de reconstruction, c’est que son interprétation a été acceptée par les docteurs parsis de Bombay.

Par ce travail immense, dans lequel il se montrait un orientaliste

  1. Si nous ne nous étendons pas plus longuement sur cet ouvrage, l’un des plus importants qui aient paru dans notre siècle, c’est qu’un habile écrivain, compétent en toute matière d’érudition et de littérature orientale et européenne, M. Ampère en a rendu compte dans la Revue des Deux-Mondes. (Livraison du 1er  décembre 1836.)