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inconnus qui renferment en substance les dogmes de la religion de Zoroastre et de celle des Brahmanes. Dénué de ressources, il s’engage comme soldat dans les troupes fort mal choisies qui vont s’embarquer pour l’Inde. La guerre, les maladies, rien ne l’arrête ; de Chandernagor, il revient à pied, son paquet sous le bras, — deux chemises et quelques livres, parmi lesquels une bible en hébreu, — jusqu’à Pondichery, traversant seul et sans argent quatre cent lieues d’un pays inhospitalier, où jamais Européen n’avait marqué la trace de ses pas. De la côte de Coromandel, il part pour Surate, où se rencontrent enfin les Parsis qu’il cherchait. Là, il se fait écolier ; la fièvre altère ses forces, un assassin le blesse de trois coups d’épée et de deux coups de sabre, il arrive en Europe prisonnier de guerre. Que lui importe ! Il a conquis son trésor, il possède les livres qu’il est allé chercher au hasard, à travers mille périls, il les tient et dès son retour à Paris, il en publie une traduction. On s’explique sans peine qu’au milieu de tant de vicissitudes et de traverses, Anquetil-Duperron n’ait pu acquérir une connaissance bien complète de deux langues mortes que ses maîtres eux-mêmes, les destours de Surate, n’entendaient pas parfaitement. Par son dévouement à la science, par son enthousiasme, par son courage et son abnégation, il s’était acquis assez de gloire. M. E. Burnouf, déjà initié aux mystères de la langue sanscrite qu’il possédait à fonds, met donc la main sur les textes zend et les étudie avec attention. Ce que n’a pu faire le voyageur, qui a reçu l’enseignement de la bouche même des Guèbres, le jeune savant l’accomplira-t-il seul dans son cabinet, sans autre secours que celui de son admirable intelligence servie par une volonté à l’épreuve de toute défaillance ? Il l’essayera du moins ; comme Œdipe devant le Sphinx, il se place devant les manuscrits qui cachent la lettre et l’esprit d’une civilisation effacée. Ses études sur la philologie comparée, qu’il avait professée tout jeune encore à l’École normale, le guident dans l’examen d’une langue dont il n’existe ni grammaire, ni dictionnaire. Pour s’aider, il possède une traduction sanscrite du texte zend, faite sur la version pelhvi, au quinzième siècle, par Nérioseng. Dans le zend, il reconnaît une langue sœur et contemporaine du sanscrit ancien des Védas ; à mesure qu’un mot se rencontre, il le dépouille de ses formes grammaticales pour le réduire au radical simple, puis, comme une plante qu’on regarde croître et se développer jusqu’à la fructification, il le suit de nouveau dans ses transformations, notant à chaque pas les règles en vertu des-