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CONTES DU JONGLEUR

vingt, et seraient encore trop heureux de l’honneur qu’on leur ferait ! Non, les vraies larmes, la vraie souffrance, c’est pour moi.

— Pourquoi, frère ?

— Écoutez. Je m’étais loué à un riche campagnard, et je conduisais sa charrue. J’avais quatre bœufs. Or, il y a trois jours, un malheur m’est arrivé : j’ai perdu le meilleur de mes bœufs, Rouget, le plus fort au labour. Depuis, je le cherche. Il y a trois jours que je n’ai ni mangé, ni bu ; je n’ose pas entrer en ville, on me mettrait en prison, puisque je n’ai pas de quoi payer. Pour tout bien en ce monde, je n’ai que ce que vous me voyez sur le dos. Ma pauvre mère ne possédait de bon qu’un matelas : on le lui a tiré de dessous les reins, et

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