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NAISSANCE DU THÉÂTRE.

le Scholiaste, — είς τισ, — élu mystérieux de Melpomène, pris aux cheveux par elle, comme Achille le fut par Pallas, Habacuc par l’Ange, s’élance sur la table du sacrifice, converse avec le Chœur, lui parle, lui répond. Sa voix se distingue du chant collectif sans s’en détacher encore tout à fait. Le drame se dessine et s’accuse en lui il est « aux points » ainsi qu’on dit en sculpture, du marbre ébauché par le praticien, et marqué aux parties saillantes que le ciseau du statuaire va déterminer. Thespis arrive ; la statue surgit, la tragédie parle, abrupte et inculte encore, mais ayant déjà forme dramatique, perfectible puisqu’elle est viable le miracle est fait.

II

La grande invention de Thespis, c’est l’acteur substitué au coryphée et au narrateur, le personnage fictif incarné dans l’homme vivant et présent, qui simule son être et s’approprie ses actions. Transformation bien simple, mais il fallait la trouver. Un monde est sorti de l’idée de Thespis, comme de l’œuf cassé de Colomb. Cet acteur était unique, c’est-à-dire nul en apparence, réduit au monologue, parlant et s’agitant dans le vide. Les masques de lin et les costumes successifs, imaginés par Thespis, le multiplièrent. Tour à