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NAISSANCE DU THÉÂTRE.

chant le repos de la sépulture ; leurs petites voix grêles balbutiaient sourdement la langue inarticulée des fantômes. C’étaient les Cendres de ce carnaval, le Mémento de la tombe jeté sur l’Evohé de l’orgie.

Le Dithyrambe recueillit les germes de tristesse flottants dans l’atmosphère de ces fêtes réjouies par les dons, assombries aussi par les mélancolies de l’automne. Il se fit de plus en plus sérieux et plaintif ; il prit pour lui la charge des douleurs du dieu, laissant au chant comique ses joies en partage. Des Satyres, moins gais que leurs compagnons, racontaient les tribulations de Bacchus, et le Chœur interrompait leurs récits par des réflexions et des lamentations pathétiques. Les Répons du peuple aux Chapitres et aux Leçons entonnés par les prêtres, dans les anciennes cérémonies de l’Église, semblent un écho de ces alternances. Un certain ordre rythma par degrés cette symphonie confuse : le Chœur s’isola du récitateur, l’Antistrophe répliqua symétriquement à la Strophe, les danses évoluèrent régulièrement autour l’autel. Le drame naissant semblait encastré dans le rituel de Bacchus, comme un bas-relief archaïque dans le fronton d’un temple ; une innovation capitale, signalée par Hérodote, l’affranchit de cette servitude. — « Les Sycioniens, dit-il, rendaient des honneurs divins à Adraste, et célébraient ses malheurs par des chœurs tragiques, où