seuse de la « Fête des outres » sur des vessies pleines d’air. L’inspiration tragique et la verve comique s’entre-choquaient indistinctement dans ses strophes. Mais bientôt le partage se fit, le Dithyrambe bifurqua. Les deux courants d’allégresse et de tristesse qui traversaient, confondus en un même lit, les fêtes dionysiaques, s’écartèrent comme les bras d’un fleuve. Le rire roula vers les groupes et les dialogues populaires, vers les chariots pleins de gestes moqueurs et le huées joviales, qui ramenaient les buveurs et les vendangeurs à la ville ; les larmes grossirent la source d’émotions et de commémorations douloureuses formée par les adorateurs exaltés du dieu, et d’où la tragédie allait naître.
Car les Bacchanales mêmes avaient leur côté lugubre, leur face désolée. En même temps qu’on exaltait les délices et les largesses, les munificences et les voluptés du dieu, on pleurait sur ses infortunes. Par instants, le vin paraissait sanglant dans les coupes, comme celui du banquet sinistre de l’Odyssée. Bacchus, roi de la terre, régnait aussi aux Enfers, et sa divinité funèbre projetait des ombres de mort sur ces triomphes de la vie. Des Bacchants, déguisés en Mânes, teints du blanc livide de la céruse ou masqués du linge des suaires, se mêlaient aux mimes burlesques et aux Ménades bondissantes. Leur marche effarée simulait l’inquiétude des âmes cher-