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NAISSANCE DU THÉÂTRE.

émissaire du dégât que les chèvres faisaient dans les vignes, terminait la fête.

C’est du chœur dansant, mené et rythmé dans ces pompes par le Dithyrambe, que la tragédie et la comédie naquirent en même temps. Le Dithyrambe était l’ode en état d’ivresse, le chant de vertige exhalé des outres crevées de Bacchus, la voix sortie du vin bouillonnant dans les veines et l’esprit de l’homme. — « C’est quand le vin a frappé mon âme de ses foudres et de ses éclairs, que je vais entonner le noble chant du roi Dionysos, » — dit un fragment d’Archiloque. Épicharme s’écriait dans son Philoctète : « Il n’y a pas de dithyrambe possible si on a bu de l’eau. » — Le désordre était la règle de ce lyrisme à outrance, il jetait des cris et des flammes. Les images y tourbillonnaient comme les torches éparses sur la montagne des Mystères ; sa démarche entraînante était celle de la bacchanale qui la parcourait. En ceci, l’antagonisme du culte de Bacchus et de celui d’Apollon se marquait encore. Même contraste entre le Pæan et le Dithyrambe qu’entre la lyre et la flûte. Tandis que l’hymne apollonien, lentement déroulé en tous pleins et graves, sur les grands plans du récitatif, montait majestueusement vers le ciel, la cantate bachique, inégale et brusque, secouée par des cadences imprévues, sautait sur son rythme élastique, comme la dan-