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ESCHYLE.

hostiles, des victoires et des catastrophes merveilleuses, des êtres surnaturels, mortellement blessés, puis ressuscitant sous ses yeux. Des vies divines expiraient et refleurissaient dans les plantes. Un rapt immense engloutissait sous la terre des déesses les mains pleines de fleurs, des dieux couronnés du feuillage et des fruits qui paraient les champs ; une restauration rayonnante les ramenait sous le soleil, magnifiquement rajeunis. La joie ou la tristesse instinctives que tout homme éprouve encore, aujourd’hui, en voyant la campagne mourir et renaître, le Grec antique les ressentait avec des transports passionnés. Il souffrait et il triomphait avec ces phénomènes visibles que son imagination recouvrait d’une figure idéale. Un drame indistinct dont les péripéties étaient le combat des éléments déchaînés, dont le dénouement, tour à tour serein et terrible, était la croissance et l’abréviation du jour, la défaite hivernale de la nature et sa revanche printanière, se jouait confusément devant lui. Il mêlait une idée de membres arrachés, de supplices subis, de beaux corps foudroyés ou percés de flèches, de sommeils funèbres et de réveils en sursaut engourdissant et ranimant les divinités nourricières, au spectacle des arbres dénudés, des plantes effeuillées, des stérilités et des éclosions du sillon. Tous les sentiments dramatiques que le théâtre futur allait bientôt