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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

mer putride, perd sa limpide transparence et se corrompt à vile d’œil.

Atys, l’émasculé, incarnation syrienne du Soleil qui perd sa force en hiver, déshonore l’auguste Rhéa par les frénésies de son amour impuissant. On ne distinguera bientôt plus nettement la chaste Artémis, à la taille élancée et aux seins de vierge, de l’impudique et chimérique Diane d’Éphèse, emmaillotée dans sa gaine, tatouée d’animaux sauvages, chargée d’un triple de mamelles, qui force les jeunes filles à danser devant elle, la robe retroussée jusqu’à la ceinture. La luxurieuse Astarté débauche l’aimable Cypris ; elle dénoue sa ceinture tissée par les Grâces, et lui fait tenir des lupanars dans ses temples. Bien plus, elle lui donne son amant syrien, qui va bientôt s’identifier Bacchus. Cet amant, c’est Adonaï, dont les Grecs feront Adonis, le fils incestueux de Myrrha changée en l’arbre qui porte son nom, né de son écorce entr’ouverte humide de parfums. C’est le jeune garçon printanier, qu’un dieu d’été, jaloux et torride, entrant dans le corps d’un sanglier sauvage, a tué, tandis qu’il chassait dans les forêts du Liban. Il mourait, mais ressuscitait sous le ciel doux de l’automne, lorsque son sang grossissant les fleuves avait fertilisé le sol desséché. Son deuil faisait, chaque année, toute une semaine, pleurer et délirer les femmes de l’Orient. De Byblos à Jérusa-