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ESCHYLE.

divulgue des hymnes et des poèmes apocryphes. Au milieu de la libre mythologie hellénique, elle introduit un Ordre presque monastique, ayant sa règle et sa discipline, ses rituels et ses pénitences, qui prétend l’épurer et la réformer. Quelle différence du grand Hymne Homérique à l’Hymne Orphique, aux vers enfilés d’épithètes cent fois répétés, qui a la monotonie et la mysticité d’un rosaire ! Aux conceptions sublimement naïves d’Homère et d’Hésiode, l’Orphisme substitue une théosophie abstruse et confuse, qui décompose les dieux, les amalgame, les dissout, pour les précipiter dans une essence panthéiste sans forme et sans nom. L’Orphisme puisait, en partie, ses doctrines dans le répertoire chaotique des vieilles religions orientales. C’est par lui, comme par la porte d’ivoire des mauvais songes, que les sombres dieux de l’Asie pénètrent en Grèce, qu’ils obscurcissent et qu’ils souillent ses divinités lumineuses par de monstrueuses mésalliances. Les Géants, comme dans la Bible, virent que les filles de l’Olympe grec étaient belles, « ils eurent commerce avec elles, et ils en eurent des enfants ». Des croisements dégradants s’opèrent dans l’ombre des initiations. Un égout de superstitions impures dont le soupirail s’ouvre aux murs de brique de Babylone, qui débouche par la Phénicie et par la Syrie, s’infiltre dans les croyances helléniques. La fraîche Aréthuse, engloutie sous cette