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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

Delphes, sous l’Omphalos, près du trépied prophétique. Chaque année, au solstice d’hiver, les prêtres offraient un sacrifice secret à Bacchus-Zagreus mort, tandis qu’au même instant les Thyades en course sur le Parnasse réveillaient, à grands cris, Bacchus Lichnités, le dieu nouveau-né, porté et bercé sur le van sacré. Ainsi replongé chaque année avec la vigne au sein de la terre, Bacchus-Zagreus descend au monde souterrain, et s’y transfigure, dans les ténèbres, en dieu infernal. Une première fois déjà, il y était descendu pour en retirer sa mère Sémélé. Un miroir étrusque, d’une beauté divine, le montre amoureusement renversé, passant les bras autour du cou de sa mère, et recevant le baiser reconnaissant de l’Ombre sur sa bouche ouverte. Cette fois, c’est mieux qu’en vainqueur d’un jour, c’est en souverain permanent que Bacchus y rentre. Avec la dévorante faculté d’assimilation qu’il possède, il a bientôt absorbé l’antique monarque du lieu. Pluton se retire devant l’usurpateur entraînant ; il s’amoindrit, il s’efface, il n’est plus que le Roi fainéant du peuple des Mânes. Voilà Bacchus maître de l’intérieur de la terre, de cette région où l’antiquité révérait les racines sacrées de toutes choses : trésors des métaux et des pierres précieuses, fruits et plantes en germe, cultures et sépultures, effluves des antres et des trépieds prophétiques, lois immuables qui dé-