Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
ESCHYLE.

d’hydres. La mer végète ; et verdoie des perspectives champêtres miroitent sur les vagues, des prairies oscillent dans leur ondoiement, la dispersion des lames imite l’échevèlement des forêts, l’écume se gonfle de roses ; on entend bêler des troupeaux sous la toison des flots qui moutonnent. Épouvantés par ces prodiges, les pirates se jettent dans la mer où ils sont changés en dauphins. Bacchus, assis à la proue, rit de leurs bonds convulsifs et de leurs corps qui s’enduisent d’écailles. Il caresse le lion apaisé, qui boit à sa coupe, et dit au pilote, resté seul avec lui à bord du vaisseau : « Rassure-toi, pilote cher à mon cœur ; je suis le bruyant Dionysos qu’a enfanté Sémélé, s’étant unie d’amour à Zeus. »

Magie riante, sorcellerie lumineuse ! On dirait un conte de Perrault enchâssé dans un chant d’Homère. La Fata Morgana qui hante ces mêmes golfes n’a jamais déployé sur leurs eaux un plus beau mirage. Par une exception assez rare, la vengeance du dieu est cette fois indulgente et douce : des mariniers changés en poissons ne sortent presque pas de leur élément.

Cet Enchanteur est un guerrier ; son thyrse, en somme, n’est qu’une lance dont le fer se cache sous des feuilles. Dans la Gigantomachie il se signale par des exploits formidables, monté sur un âne dont le braiement terrifie les assaillants de l’Olympe. Plus