Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
321
PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

L’enchaînement facile des idées, la dextérité des arguments, la clarté nuancée du discours, tous ces dons natifs de l’Hellène coulent de ses lèvres comme d’une source vive. Debout derrière l’orateur de l’Agora, il lui souille le dilemme irréfutable, le mot décisif. Il ajuste et renouvelle sur sa bouche les traits ailés qui frappent droit sur l’esprit du peuple, et le font vibrer comme une cible émue. Hermès inspire encore aux hérauts envoyés entre les nations, les transactions conciliantes qui terminent les guerres et qui renouent les alliances. Tout ce qui pacifie et qui réunit est de son ressort.

Coureur éternel des stades de l’Éther, Hermès fut naturellement le dieu des Gymnases. C’est à ce patronage qu’il doit sa forme idéale. Ses premières effigies en faisaient un homme mur, aux membres robustes, à la barbe épaisse et pointue ; l’art de la belle époque le refit et le rajeunit d’après le modèle accompli de l’adolescent. Svelte sans maigreur, souple sans mollesse, les cheveux courts et bouclés, le cou uni, les hanches étroites, le torse élégamment évasé, la jambe nerveuse et battant l’arène, il porte sa chlamyde retroussée sur l’épaule, dans l’attitude d’un arrêt balancé entre deux élans. Ses traits sont empreints d’une finesse sereine et d’une riante bienveillance. Sous cet aspect nouveau, Hermès devient le chef des éphèbes, le prince de la jeunesse,