Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
ESCHYLE.

dent qu’elles se repassent, pour manger et voir tour à tour. Tout auprès résident leurs sœurs, les Gorgones aux mains d’airain, à la langue pendante, aux cheveux de serpents qui les avertissent en sifflant, dès qu’un homme approche, et dont le regard glacial pétrifie. « Monstres abhorrés, qu’aucun mortel n’envisage sans expirer subitement. » Plus loin, Io aura aussi à fuir les Griffons, aigles par la tête, lions par la croupe, la poitrine couverte de plumes rouges, qui thésaurisent, au fond de leurs cavernes, l’or que le Phase roule dans ses sables. Autour d’eux galope la cavalcade rapace des Arimaspes à l’œil unique, qui leur font la chasse pour piller les trésors qu’ils couvent sous leur ventre. Io s’enfoncera ensuite dans l’épaisseur du monde noir elle parcourra l’Éthiopie d’où sort le Soleil, et elle abordera l’Égypte en longeant le Nil jusqu’aux montagnes de Byblos.

Une impression terrible se dégage de ce périple tragique qu’une main gigantesque semble dessiner à tâtons sur l’ombre. On y sent l’effroi qu’inspiraient à l’Hellène, circonscrit dans son horizon lumineux, les mers ignorées et les régions inconnues. Hors de cette oasis azurée, embellie par une civilisation florissante, tout était pour lui monstruosités et prodiges, fantasmagories et ténèbres. Il rêvait comme un cauchemar le monde qu’il n’avait pas encore découvert. Cela rappelle ces Mappemondes du moyen âge, entre-