Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
ESCHYLE.
VII

Une rencontre pathétique succède à cette visite importune. C’est Io, la fille d’Inachos, la vierge aimée de Zeus, changée en génisse par Héra jalouse, confiée par elle à Argos, le pâtre aux cent yeux ; puis, lorsque le subtil Hermès eut endormi le monstre au son de la flûte, et coupé sa tête, frappée par la déesse de folie furieuse, et courant, effarée, à travers le monde, sous la piqûre du taon collé à son flanc.

On comprend bien qu’Eschyle ne faisait point paraître Io changée en bête sur la scène. La métamorphose de la jeune fille n’était indiquée que par les deux cornes qui ceignaient son front : coiffure Isiaque, portée par tant de divinités lunaires asiatiques, et à laquelle les Grecs étaient habitués. Io n’était, en effet, la naissance de son mythe, que la Lune elle-même dont Zeus, représentant le ciel de l’air, était amoureux, et gardée par Argos, personnification du firmament étoilé. Hermès, dieu des deux crépuscules, fermait, à celui du matin, les paupières du pâtre, en éteignant les étoiles ; et la course éperdue d’Io figurait celle de l’astre roulant dans les déserts de la nuit. La mythologie corporelle avait