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ESCHYLE.

il force le trésor d’or et d’argent, de fer et d’airain qu’enfouissait la terre. De plus hautes leçons s’ajoutent à ces rudiments de la vie : Prométhée invente pour ses enfants d’adoption l’Écriture qui éternise la mémoire, les Nombres dont le rythme gouverne l’univers, les plantes qui guérissent les maladies, les baumes qui pansent les blessures, la science des présages et des aruspices qui, par les spirales observées du vol des oiseaux, relie le ciel à la terre. — « Écoute enfin, en un seul mot qui résume : tous les arts ont été révélés aux vivants par Prométhée. » — « N’as-tu rien fait de plus pour eux ? » lui demandent les Océanides. — Il répond par ces mots d’une tristesse infinie : — « Je les ai empêchés de prévoir la mort. » — « Par quel remède les as-tu guéris de ce mal ? » — « J’ai mis en eux l’aveugle Espérance. »

Est-ce Prométhée seulement qui parle ainsi par la voix d’Eschyle ? Non, c’est l’Humanité entière, glorifiée et divinisée, rassemblant dans un type unique ses efforts innombrables, ses inventions laborieuses, ses conquêtes opiniâtrement étendues, et qui du fond de sa misère native, de son malheur éternel, les oppose fièrement aux Fatalités jalouses qui lui disputent sa place au soleil.