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ESCHYLE.

montante de vierges fluides battre désespérément le rocher tragique, l’envelopper du ruissellement de leurs chevelures et de l’ondoiement de leurs bras. On prête à leurs voix les sanglots des sources et les chants plaintifs des fontaines. L’alternation de leurs strophes semble un flux et un reflux de vagues caressantes berçant l’angoisse d’un naufragé échoué sur un âpre écueil.

Le poète semble les comprendre ainsi ; il les fait moins pleurer que pleuvoir doucement autour du Titan : — « Je te vois, Prométhée ! et un nuage gonflé de larmes a chargé mes yeux, quand j’ai vu ton corps se dessécher sur la pierre, sous ces nœuds d’acier. » — Filles naturelles de la Terre, elles protestent aussi, en le redoutant, contre le despote céleste qui veut l’asservir. — « Un nouveau maître tient le timon de l’Olympe, Zeus règne maintenant par des lois récentes. Tout ce qui était auguste et vénérable autrefois, il l’a tyranniquement aboli. » — Elles ont des mots touchants pour consoler le Titan. Elles veulent lui persuader qu’il a encore des amis, dans ce ciel même qui l’a terrassé. Quand il regrette de n’avoir pas été enfoui sous l’épaisseur du Tartare, parce qu’alors nul dieu ne pourrait le voir et se réjouir de ses maux : — « Qui donc, parmi les Dieux, s’écrient-elles, a le cœur assez dur pour se complaire à tes tourments ? Qui ne compatit pas