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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

viendrait sur lui. Prométhée s’inquiète d’abord de ce bruit furtif. Les Olympiens fendent aussi les airs : serait-ce un vol de dieux de proie, avides de contempler sa misère et de s’en repaître ? Mais un chœur de voix amicales a bientôt dissipé sa crainte. Du tourbillon ailé qui l’approche, sortent des paroles qui sont des caresses, un murmure fraternel et tendre. Les chants de femmes qui monteront plus tard vers le prisonnier dans sa tour, auront cette douceur. — « Ne crains rien, c’est une troupe amie qui vient à toi sur ce rocher. Il a fallu vaincre la résistance d’un père ; des souffles rapides nous ont amenées. Le retentissement de l’acier a pénétré au fond de nos grottes. Il a chassé l’auguste pudeur, et nous nous sommes élancées, pieds nus, sur ce char ailé. »

Ces visiteuses imprévues, ce sont les Océanides, les trois mille filles de Thétis et d’Océanos. Non point déesses de la mer, comme on pourrait croire, mais des sources, des fontaines, des lacs, des rivières, salutaires et douces comme les eaux qu’elles épanchent. La mythologie grecque était intarissable dans son animation infinie des ondes. Ses plus anciennes fables leur associent déjà l’idée de la femme. L’imagination primitive démêlait mille affinités fuyantes entre la blancheur des écumes et celle des jeunes filles, entre la flexibilité de la vague et l’ondulation du corps virginal. En dehors de la mer