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ESCHYLE.

jette une dernière insulte : — « Maintenant, brave encore les dieux, vole ce qui est aux Immortels pour le donner à des Éphémères ! Que peuvent-ils, ces êtres d’un jour, pour alléger tes souffrances ? On t’a mal nommé en t’appelant Prométhée (Prévoyant), car c’est un Prométhée qu’il te faudrait pour briser tes chaînes. » — La Passion du Titan a été souvent comparée par les docteurs mêmes de l’Église, à celle de Jésus. En écoutant cette lâche raillerie, on peut donc se rappeler les sarcasmes lancés au Christ mourant sur la croix, par les moqueurs du Calvaire : — « Et ceux qui passaient par là blasphémaient en branlant la tête, — et lui disaient : Que ne te sauves-tu toi-même, si tu es le fils de Dieu ? Descends de la croix. — Et les princes des prêtres, se moquant de lui, disaient : Il en sauve d’autres et il ne saurait se sauver. »

IV

Entre tous les grands silences tragiques d’Eschyle, celui de Prométhée, durant son supplice, était célèbre dans l’antiquité. Le marteau qui fendait ses membres a fait retentir le roc, mais non point sa voix. Il n’a pas faibli dans la lutte horriblement inégale du fer contre la chair, du paroxysme de la douleur contre