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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

ils semblaient à peine distincts l’un de l’autre. Prométhée n’est-il pas d’ailleurs, comme lui, statuaire et maître dans les arts du feu ? — « Le cœur me manque ! Enchaîner à ce roc battu par l’orage un dieu du même sang que moi ! Mais la nécessité me contraint il est dangereux d’enfreindre l’ordre du Père. » — Et avec une lourde insistance qui accroît à son insu le supplice, il dénombre longuement au Titan les souffrances qu’il va endurer : — Ce seront d’abord l’isolement absolu, l’angoisse incurable ; l’insomnie sans trêve, les cris sans écho ; puis les ardeurs du soleil et les sueurs froides de la nuit qui, tour à tour, brûleront et glaceront sa chair : pour torture suprême, tout mouvement entravé, nul moyen de se retourner sur son lit sinistre ; l’immobilité dans la convulsion. — La sentence est dure, et les remontrances qu’Héphestos y mêle doivent la rendre plus odieuse encore au patient. Être harangué par celui qui va vous clouer sur un bloc de pierre, il y a là aggravation de peine, surcroît de sévices. Héphestos compatit évidemment au sort tragique de Prométhée, mais il est résigné, sinon rallié à l’ordre nouveau. Il a plié sous le joug du fait accompli, la rébellion n’est pas dans sa nature subalterne. Ses pieds meurtris portent les marques des coups que peut frapper le plus fort. Les Immortels l’ont, par deux fois, lancé dans l’abîme, du