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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

quefois, le corps penché, la tête somnolente, il s’accoude sur l’épaule d’un petit Satyre. — Bacchus ressemble à sa vigne, il s’appuie et il enivre.

Ainsi servi, ainsi entouré, le Dieu promène, à grand bruit, son carnaval païen sur les sommets des montagnes. Des fanfares de trompes, des chocs de cymbales, des roulements de tambourins, des battements de triangles emportent dans leur orage le train de l’orgie. Les cris bachiques retentissent éclatants et infatigables, ils s’acharnent à surmonter le sauvage orchestre : Evohé ! Bacché ! Evia ! Le bruit est l’atmosphère de Bacchus ; ses rites attachent au fracas de voix et d’instruments qui l’enveloppent, l’idée du mouvement perpétuel de transformations et d’évolutions qui rajeunit la nature. Le mot de passe de ses initiés sera, plus tard, cette formule : « J’ai mangé du tambour et bu de la cymbale. » C’est la nuit, sous la lune à laquelle l’unissent des hymens cosmiques, aux éclairs des torches de mélèze furieusement agitées, qu’il aime surtout à célébrer ses Mystères. Danses effrénées, brandissements de thyrses, promiscuités violentes comme des mêlées, rondes tournoyantes qui font trembler les plateaux du Tmolos et du Cylhéron. La magie s’ajoute à l’orgie, les hallucinations activent le délire. Les astres s’élargissent pour mieux illuminer la fête ; la lune grossit démesurément dans le ciel ; les tambours à grelots qui