Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
LES PERSES D’ESCHYLE.

me semble à côté sinon au rebours du sens ; elle effleure la lettre du texte sans pénétrer son esprit. Pour moi, l’intention du poète est visible. Après avoir célébré solennellement le deuil des Barbares, tant qu’il était mené par les Fidèles et par Atossa, s’y être même associé avec une compassion généreuse, Eschyle le raille dans le roi honteux qui ne rapporte de sa défaite qu’une âme délabrée. Sa symphonie funèbre se termine par la strette comique d’un tintamarre oriental. Relisez attentivement ce finale ; vous y verrez une parodie évidente des jérémiades officielles de l’Asie servile, la dérision d’une musique d’esclaves prenant la note du thème dicté par le maître, et le répétant, phrase par phrase, comme un écho machinal. On sait la folie furieuse que l’Orient mettait dans la manifestation de ses deuils : vociférations à faire éclater la poitrine, vêtements déchirés, cheveux arrachés, mains tordues et bras mordus, visages égratignés par les ongles ou tailladés au couteau. Les Grecs, à qui l’outrance répugnait si fort en toute chose, se moquaient de ces démonstrations effrénées. Ce fut une risée dans leurs rangs, lorsqu’après le combat d’Érythrée, où Masistis, le chef de la cavalerie perse, fut tué par un Athénien, ils virent de loin l’armée de Mardonios faire à son cadavre une litière de chevelures d’hommes et de crinières de chevaux coupées ; lorsqu’ils entendirent s’élever du