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ESCHYLE.

peuple déchaînée par la défaite, qu’il déplorait tout à l’heure, c’est lui qui en donne le premier signal. Il mesure son roi tombé, et il le méprise ; une ironie furtive perce sous ses répliques ; ses condoléances s’enveniment, on entend des ricanements étouffés sous sa barbe blanche : — « Tu vois ce qui me reste de mon appareil, » — lui dit Xerxès en agitant ses haillons. Il répond froidement : — « Je vois, je vois. » — « Et ce carquois ? » — « C’est là ce que tu as sauvé, dis-tu ? » — « Oui, cette gaine de mes flèches. » Les flèches n’y sont plus, mais Xerxès reçoit celle que le Chœur lui lance, et qu’on entend sourdement siffler. — « C’est peu sur tant de pertes.» — Il reprend : — « Plus de défenseurs » — Cette fois le sarcasme ne se déguise plus et frappe à vif dans un mot cruel. — « L’Ionien ne manque donc pas de courage ? »

Ce passage marque une transition. À ce moment, par un changement de ton que je n’ai vu remarqué nulle part, la tragédie tourne subitement à la comédie ou tout au moins au drame satirique. Son Masque lugubre, tout en continuant de pleurer, retrousse les coins pendants de ses lèvres, et l’on voit l’ombre d’un rire se dessiner à travers ses larmes. On a toujours pris pour l’éclat d’un chant pathétique porté à son comble, l’épilogue où Xerxès excite le Chœur à se lamenter avec lui. Cette interprétation