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ESCHYLE.

regrette les dons solides de l’existence. Dans son adieu mélancolique aux Fidèles, il leur conseille de cueillir les jours sans prendre souci de leurs lendemains. — Omnia fui, nihil prodest : « J’ai été tout, rien ne sert, » disait un César expirant. C’est à peu près le mot final de Darius — « À quoi peut servir la richesse aux morts ? »

V

Xerxès survient, abattu et anéanti, l’âme en déroute comme son armée. Il apparaît accoutré des guenilles royales dont Darius parlait tout à l’heure, un carquois sans flèches pendant à l’épaule, plus lugubre encore que son père, étant un spectre vivant. Pour lui, nulle pitié et nulle émotion. Eschyle a montré Darius grand et sage, Atossa touchante, après tout, par son amour maternel ; à l’endroit de Xerxès, il est implacable. Il exhibe et il secoue, en quelque sorte, sous les yeux d’Athènes, le despote déchiré par la main du sort. Démailloté de la pourpre, Xerxès reparaît à nu ce qu’il est, un enfant débile et gâté. L’idole est tombée, sa tête d’or s’est ouverte, et il en sort, en guise des rats que cachait celle de la Bible, les vains repentirs et les lâches frayeurs d’une âme ramollie. Ce n’est pas un roi re-