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ESCHYLE.

le domaine que son père lui avait conquis par l’épée. — Darius réprouve ces conseillers de malheur. Quelle honte que cette brèche faite à l’Asie construite en empire par ses prédécesseurs, et dont il avait couronné le faîte ! Il récapitule cette dynastie mémorable : Médos et son fils, le grand Cyrus et Cambyse. Le fantôme évoque ces fantômes, il prend à témoin les vieillards ses contemporains, qu’il n’a pas dégénéré de leur gloire. — « Et moi aussi j’obtins la destinée que je désirais, et je conduisis de grandes armées dans beaucoup de guerres. Mais jamais, moi régnant, la Perse ne subit un pareil échec… Certes, sachez bien ceci, ô mes égaux par l’âge, nous tous qui nous sommes transmis cet empire, jamais nous n’avons attiré sur lui de si grands malheurs. »

Le Chœur, remis de son trouble, s’enhardit à l’interroger : — « Ô roi Darius, quel augure tirer de tes paroles ? Jouirons-nous d’une fortune meilleure ? » — « Si vous ne portez jamais les armes dans le pays des Hellènes, car la terre même combat pour eux. » — C’est le vaincu de Marathon qui parle, et c’est aussi le monde infernal dont il rapporte l’oracle. La gloire d’Athènes a retenti au fond des Enfers, elle agite le peuple des morts.

Par degrés, l’Ombre se raffermit et reprend son âme. Elle était sortie du cercueil, lourde du sommeil