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LES PERSES D’ESCHYLE.

géré du travail humain ; là commençait l’attentat, l’excès prévu par Némésis et sujet à ses châtiments. Le rêve réalisé de l’industrie moderne, perçant des isthmes, desséchant des mers, éventrant ou renversant des montagne, n’aurait été pour un Grec qu’un abus monstrueux de la force humaine, défiant la revanche irritée du ciel. Les exemples ne manquaient pas en dehors de celui de Xerxès. Nécos, roi d’Égypte, fit creuser un canal du Nil à la Mer Rouge cent vingt mille manœuvres périrent à la tâche et n’y suffirent pas. Il s’arrêta sur la parole d’un oracle qui t’avertit qu’il travaillait pour un conquérant. — Les Cnidiens, menacés dans leur presqu’île par le satrape Harpage, voulurent couper l’isthme qui lui donnait accès par la terre ferme. Une épidémie frappa leurs ouvriers, les rochers mordus par la pioche se soulevaient en éclats et les aveuglaient. Ils envoyèrent consulter l’oracle de Delphes ; la Pythie répondit avec ironie : — « Ne fortifiez pas l’isthme, ne le creusez pas. — Zeus en eût fait une île, si tel avait été son dessein. » — Les Cnidiens interrompirent les travaux et laissèrent prendre leur ville par Harpage, préférant la ruine à l’impiété. — Quatre siècles plus tard, Pline l’Ancien s’étonnait encore de la témérité des mineurs dépeçant la terre pour en arracher l’or. — « Ainsi les hommes déchirent les fibres du globe, ils res-