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LES PERSES D’ESCHYLE.

pendaient brisées sur les flots. Les nefs grecques nous enveloppent par une manœuvre habile, et percent les nôtres qui tombent sur le flanc. La mer se couvre d’épaves et de corps morts, les côtes et les écueils regorgent de cadavres. L’armée des Barbares s’enfuit en désordre : à coup d’avirons brisés, de bancs de rameurs fracassés, les Perses sont écrasés comme des thons pris au filet, et la mer roule au loin des voix désespérées, des cris de détresse. Enfin l’œil de la Nuit noire se fermant, nous abrita sous son ombre. Je mettrais dix jours à te raconter la multitude de nos maux, que ces dix jours entiers ne suffiraient pas. Mais, sache-le, jamais, en un seul jour, tant d’hommes ne sont morts. »

Et il reprend, après les exclamations désolées d’Atossa, son rapport lugubre. Cette marée montante de douleurs ne cesse d’enfler et de croître, submergeant tout ce qui reste d’espoir. La destruction qui semblait arrivée à sa limite extrême, a toujours un degré de plus à franchir. Maintenant c’est l’épisode de Psytallie qu’il raconte, la petite île « hantée par Pan, et qu’il couronne de ses danses ». Xerxès, avant le combat, y avait débarqué l’élite de sa garde, chargée d’exterminer les naufragés de la flotte hellène qui l’aborderaient à la nage, au sortir de leurs vaisseaux chavirés. Le guet-apens s’est retourné, l’embuscade a fait volte-face.

« En effet, quand un dieu eut donné la victoire aux Grecs, le même jour, tout couverts d’airain, ils sautent de leurs vaisseaux, cernent l’île entière : plus d’issue pour fuir. Et les Perses tombaient sous une grêle de pierres, sous les flèches décochées par les nerfs des arcs. Enfin les assaillants,